Bertrand Rose, directeur général de Conseil CE, est également le fondateur des espaces pour entrepreneurs Le Trèfle. Il revient pour nous sur le développement du coworking. Plus qu’une simple solution transitoire pour des entreprises en croissance, il décrit un phénomène d’avenir qui s’adapte parfaitement aux évolutions de l’entreprenariat.
NN : Pourquoi avoir lancé Le Trèfle ? BR : Je suis directeur de Conseil CE, une PME qui est passée en 3 ans de 20 à 70 salariés. C’est comme cela que l’aventure du Trèfle a démarré, en cherchant pour ma société. Quand j’ai eu besoin de 100 m2 pour accueillir mes salariés, j’ai décidé d’en prendre 400. Dernièrement, au lieu de prendre 400m2 pour nos locaux de Boulogne-Billancourt, j’en ai pris 1 400. Le Trèfle est donc le résultat de la nécessité de faire grandir mon entreprise et de ma passion pour l’entreprenariat. Je ne trouve rien de plus enrichissant que d’être en contact avec toutes ces start-up qui possèdent ce dynamisme qu’on a malheureusement tendance à perdre dès que l’on franchit le cap des 20 salariés. NN : Quels sont les avantages pour les start-up qui rejoignent Le Trèfle? BR : Nous ne sommes ni un accélérateur, ni une pépinière, mais nous réglons le problème numéro 1 des start-up en croissance, qui est le bureau. Nous intervenons dans la phase post-incubation, quand le projet est validé. Typiquement, ils sortent de leur pépinière, dans laquelle ils sont restés 18 mois. Ils vont pouvoir retrouver la même émulation au sein de nos bureaux. Nous nous adressons aux startups en croissance, de 4 ou 5 salariés, qui viennent de lever des fonds et vont passer à 10 salariés, peut être 20. Avoir beaucoup de m2 permet de les accompagner dans tout leur parcours résidentiel. En cas de revers de fortune, ils peuvent de manière très flexible repasser de 15 à 5 salariés. Nous sommes plus axé sur la croissance, là où l’on trouve moins de conseils et d’accompagnement sur comment gérer un fort développement (recrutement, maintenir la culture d’entreprise…). De plus au Trefle, j’en profite pour communiquer sur mon expérience d’entrepreneur et ouvrir mon carnet d’adresses à ces gazelles et aux As du Trefle. NN : Comment s’organise la collaboration au sein du Tréfle ? BR : Nous avons un grand centre de 1 300 m2 avec tous les services nécessaires : 2 chefs cuisiniers, une sophrologue, des séances de networking, des véhicules à disposition, etc. Notre originalité est de réunir des startups et des indépendants que nous appelons les as et les experts. Beaucoup d’entreprises n’ont pas les moyens de prendre un DAF, un spécialiste des RH, du recrutement ou encore un fiscaliste. Nous avons créé un environnement unique où les freelances et indépendants spécialisés dans un domaine « les As du Trèfle », côtoient les gazelles, ces start-up à forte croissance. Ils peuvent ainsi devenir prestataire pour les gazelles et ces dernières peuvent se reposer sur ces experts. NN : Que vous apporte ce travail aux côtés de jeunes entrepreneurs ? BR : Cela fait 20 ans que je suis expert dans les CE et j’avais besoin de me ressourcer. Là, je peux le faire en restant dans mon domaine de prédilection et en retrouvant l’esprit de mes débuts. Cela permet également aux salariés qui arrivent chez Conseil CE et qui n’ont pas connu l’émulation des débuts de côtoyer cet esprit pionnier et cet enthousiasme inhérent aux startups. De plus, la révolution digitale a redistribué les cartes. Nous ne sommes plus dans un monde ou le savoir appartient aux anciens. Il est désormais partagé. Il y a donc un véritable échange, dans lequel ils m’apportent leur savoir-faire, dans l’utilisation des nouveaux outils comme les réseaux sociaux et où, en retour, je leur fait bénéficier de mon expérience d’entrepreneur. En résumé, je me retrouve à la fois formateur et stagiaire. C’est fascinant de côtoyer cette génération car ils ont cette capacité à être disruptif. En 2016, vous pouvez débarquer et révolutionner votre marché. Aujourd’hui, de jeunes entrepreneurs peuvent faire trembler les leaders de leur secteur. Personne ne parlait d’Airbnb il y a 5 ans et dans le même laps de temps, Uber a fait voler le monde des taxis en éclats. NN : Quel avenir envisagez-vous pour le coworking ? BR : Je pense que le phénomène va s’étendre aux entreprises de tailles toujours plus importantes. Avant, dès que les gens étaient 10, ils prenaient leurs propres locaux. La recherche d’un bail commercial n’est plus la quête du Graal qu’elle pouvait être il y a 20 ans. Désormais avec l’agrandissement des espaces de coworking, vous pouvez avoir des entreprises qui comptent jusqu’à 50 salariés. Cette facilité à créer du réseau est un argument de poids en faveur du coworking. Rien qu’en échangeant avec vos collègues, vous vous retrouvez rapidement avec 20 « commerciaux », prêts à faire votre publicité. Mais les espaces de coworking cherchent encore leur business model. Il y a 10 ans, vous aviez des indépendants qui géraient 100 à 200 M2. Depuis 2 ans, le secteur a vu l’arrivée de très gros acteurs. Des sociétés comme Bouygues Immobilier, la Caisse des Dépôts. Xavier Niel a récemment créé un centre de coworking de 20 000 m2. NN : Qu’est-ce que cela signifie pour l’avenir du Trèfle ? BR : Cela ne va pas nous empêcher de continuer à nous développer. En nous associant avec les startups du Trèfle qui s’agrandissent et prennent des locaux en région par exemple. Toujours sur le même principe de fonctionnement : s’ils ont besoin de 100 m2, nous les accompagnons pour en prendre 600. C’est comme cela que nous allons pouvoir nous étendre et reproduire notre modèle. Propos recueillis par David Rozec, drozec@nomination.fr