« Le Barreau dit que l’on doit agir avec délicatesse et que nous ne sommes pas des commerçants. Pourtant, nous faisons des actes de commerce en fin de compte. Nous vendons une solution à un client », exprime Pierre-Alexandre Degehet, partner chez Bonn Steichen & Partners. L’argent demeure le nerf de la guerre. Récemment, certains cabinets ont brisé des tabous en infusant des pratiques commerciales dans leurs routines. Tel est le cas de Simon Associés ainsi que le développe Jean-Charles Simon : « Depuis un peu moins d’un an, nous avons engagé une commerciale qui ne connaissait rien à notre métier. Elle est chargée de créer du lien pour vendre nos prestations. Il est vrai qu’il est assez iconoclaste d’appliquer de pures techniques commerciales ».
La connaissance client comme levier de développement
Ce mélange des genres peut s’avérer payant d’autant que les clients se révèlent être de moins en moins fidèles. Ce constat vaut pour une entreprise lambda comme pour les cabinets d’avocats. A l’exception de liens forts créés au cours d’un dossier, les sociétés ont tendance à se concentrer sur l’attention qui leur est portée, à la valeur ajoutée apportée par une prestation et – bien sûr – à la facturation finale. De quoi réactiver le paradoxe des liens qui unissent associés et cabinets ? « Quand un associé est débauché, son chiffre d’affaires est généralement portable. C’est toujours étonnant de constater que le client n’appartient pas entièrement à la marque du cabinet », pointe Serge Papo, président de Nomination, société proposant une base de contacts de décideurs vérifiés et à jour ainsi que des signaux d’affaires.
A ce propos, la connaissance client est un important levier qui contribue au développement. Si la majorité des cabinets estiment connaître leurs clients et leurs enjeux, la réalité est bien différente. Entre les bases de données artisanales et l’inévitable obsolescence des données, ils passent à côté de nombreuses opportunités comme l’explique Serge Papo : « des données de qualité sur ses clients et prospects permettent de rester en lien avec le marché, de pouvoir rebondir sur des actualités et de densifier ses relations en étant plus réactifs ».
Travailler son positionnement
Les associés d’un même cabinet ont donc tout intérêt à s’unir face à la concurrence. Avec l’idée que l’union fait la force. Pas si simple quand les modes de rémunération des associés sont construits pour favoriser l’individuel. De plus en plus de cabinets de conseil au sens large expérimentent des dispositifs visant à mutualiser les réseaux des associés sans pour autant s’appuyer sur leurs carnets d’adresses. Non intrusifs, ils tendent à faire la preuve que le collectif peut servir l’individuel en augmentant la taille du gâteau global.
Mais avant d’orchestrer sa conquête, il est essentiel que le cabinet travaille ses fondamentaux. Dans cette perspective, il doit définir précisément son identité, son positionnement et ses valeurs avant d’envisager une vision stratégique en lien avec les practices clés. A titre d’exemple, la création d’un cabinet se fait souvent en réaction par rapport à des structures plus importantes. A ce jeu là, les fondateurs plaident pour une gouvernance à visage humain au risque de délaisser le volet stratégique. « Il faut savoir à quelles attentes des clients on veut répondre, être capable de réaliser de la croissance interne et garder des associés compétents. Tout est lié ! », détaille Anne Bassi fondatrice de Sachinka. Viennent ensuite le déploiement sur les territoires du national à l’international, les acquisitions et joint-venture pour trouver de la croissance. Le tout sans perdre de vue qu’il est plus facile de conserver un client plutôt que d’aller en chercher un nouveau. Dura lex sed lex s’applique également aux marchés à conquérir.