Directeur général de PNO Consultants, cabinet spécialisé dans le financement de l’innovation, Erik Van Rompay est depuis septembre porte-parole de la France au sein du groupe de l’innovation de rupture de la Commission européenne. Du sur-mesure pour celui qui s’est donné pour mission « d’innover l’innovation ».
NN : Quel est le but de ce groupe pour l’innovation de rupture au sein de la Commission européenne ? EVR : D’accompagner les sociétés qui proposent ces innovations de rupture. Sachant que pour nous une rupture ne consiste pas forcément à casser ce qui existe mais à mettre en place de nouvelles pratiques et à les industrialiser le plus vite possible. Nous analysons les sociétés disruptives de référence comme Uber, Airbnb ou Blablacar. Nous cherchons à comprendre les mécanismes de leur business model, à identifier les leviers de leur réussite pour ensuite les transmettre aux entreprises sélectionnées en faisant du coaching auprès de leurs dirigeants. Car beaucoup de sociétés proposent une technologie de rupture mais n’arrivent pas à se lancer, à se développer ou à mettre leur produit sur le marché. Notre rôle est aussi de permettre à ces entreprises de mesurer l’impact de leurs futures performances. Nous les aidons également à se développer à l’international, en les conseillant à la fois sur la législation des pays où ils souhaitent s’implanter et sur les mécanismes d’aide au financement au niveau européen. Pour vous donner un exemple, j’étais récemment à Bruxelles pour l’instrument PME qui peut fournir jusqu’à 2,5 millions d’euros en subvention à une entreprise. NN : Quel est votre rôle en tant que porte-parole pour la France ? EVR : Je me focalise sur les sociétés présentes en France : les sociétés françaises qui ont surtout besoin de nous pour industrialiser leur production et les filiales françaises de groupes internationaux qui, elles, rencontrent des problèmes au niveau du développement des idées. Avec dans les deux cas de figure, la volonté d’optimiser leur fonctionnement en France pour aller très vite à l’international. Pour l’instant, j’ai travaillé sur des dossiers qui concernaient les textiles connectés, les éoliennes et les moteurs électriques de nouvelle génération. NN : Qu’est-ce qui a fait de vous le candidat idéal pour ce poste ? EVR : De par mon poste de directeur général de PNO Consultants, je suis spécialisé dans l’innovation et habitué aux mécanismes de subventions européens. Mais je ne suis pas seulement un consultant ou un dirigeant, j’ai créé 5 sociétés. Je sais comment développer des produits innovants, les lancer sur le marché, se propulser à l’international en adaptant son produit initial et trouver les financements qui vont avec. Je suis crédible dans ce rôle-là. D’autre part j’ai toujours été en avance au niveau technologique, parfois un peu à l’avant-garde, par exemple j’ai eu ma première imprimante 3D en 1993. Quand j’ai colancé SFR en France, le téléphone mobile était un gros pari, nous n’étions pas 50 dans la société, dans une situation comparable à ce que connaissent les start-upers d’aujourd’hui. J’ai également lancé des produits en Asie, aux Etats-Unis, en Angleterre avec chaque fois une expérience différente que je partage avec les dirigeants qui sont devant moi. Notamment en aidant les entreprises à trouver le bon moment pour mettre leur produit sur le marché. Je leur dis également quand leur projet n’est pas prêt. Etre innovant ne suffit pas, il faut avoir l’équipe, l’attitude, penser à trouver son marché. NN : Que conseillez-vous à ces entrepreneurs que vous rencontrez ? EVR : Mon premier conseil est d’aller vite. Dès que l’on a un prototype, démontrer que l’on a un bon produit dans les mains, le faire voir aux investisseurs pour obtenir des fonds et permettre une croissance rapide. Tester rapidement son produit auprès des utilisateurs. Tout de suite se projeter à l’international. J’insiste sur ce dernier point car pour moi il est essentiel. Il ne faut pas se cantonner à un cadre franco-français. Prenons l’exemple d’une société produisant des objets connectés dans le domaine de la santé. Elle peut bénéficier d’une harmonisation des systèmes d’information au niveau européen dans le domaine médical et a donc la possibilité de se lancer immédiatement dans l’Europe entière. Si une telle entreprise pense d’abord ses produits en français, elle se prive d’un marché immense et c’est fini pour elle. NN : Que faut-il changer en France pour faciliter l’innovation de rupture ? EVR : Faire sauter certains blocages culturels. Il y a un vrai décalage en France entre le BtoC qui est très réceptif à l’innovation et le BtoB qui traîne à se mettre à la page. Si l’on prend l’exemple Airbnb, c’est une application que les utilisateurs adorent. Par contre en BtoB, on a toujours du mal, Airbnb auprès des hôteliers, ça ne passe pas, parce que ces acteurs n’innovent pas suffisamment vite. Il faut faire comprendre aux sociétés que le monde change, que de nouveaux concurrents sont en train d’apparaître. Il faut casser le système BtoB, faire sortir les entreprises de leur zone de confort et les forcer à se réinventer. La SNCF n’a jamais pensé que Blablacar pouvait être un concurrent, résultat : aujourd’hui Blablacar, c’est 500 000 voyages dans un week-end donc potentiellement un demi-million de personnes qui ne prennent pas le train. Propos recueillis par David Rozec, drozec@nomination.fr