Evelyne Platnic-Cohen est la fondatrice de Booster Academy, société spécialisée dans les formations et l’entraînement à la vente. Elle nous donne sa vision de l’entrepreneuriat au féminin en France, fondée sur son expérience et ses échanges avec les femmes croisées au fil des années au sein de ses académies.
NN : Les femmes dirigeantes d’entreprise qui dépassent le million d’euros de chiffre d’affaires ne sont que 3 % en France contre 10% aux Etats-Unis, comment expliquez-vous ce chiffre ? EPC : C’est un problème à la fois comportemental et mental. Au sein de Booster Academy nous travaillons souvent sur le « savoir oser » chez les femmes. Elles doivent s’affirmer davantage. Souvent, il y a également une mauvaise compréhension de ce qu’est la création d’entreprise. Ce n’est pas la création en soi qui pose problème, les chiffres entre hommes et femmes dans le domaine sont d’ailleurs bien plus équilibrés, c’est le taux de croissance et l’ambition de l’entreprise. Car il y a une différence entre créer son job et lancer une activité, ce sont deux démarches bien distinctes et il faut en avoir conscience. Il y a des femmes qui dès le départ souhaitent uniquement créer leur job et qui, par choix, en restent là. D’autres, par contre, ne voient pas comment prendre le sujet et passer au cap supérieur. Il faut intégrer dès le départ que la prise de risque est un facteur déterminant pour la suite. C’est une équation, chaque personne capable de développer rapidement se situe à un niveau de risque élevé. Le chiffre américain s’explique par cette habitude et ce goût du risque, plus développés chez les femmes là-bas. NN : Comment arriver au même résultat en France ? EPC : Le changement passe par l’exemple. Avec des modèles qui montrent la voie, des paris risqués qui aboutissent. Si je prends mon cas personnel, le business model de Booster Academy, basé sur le coaching commercial, est lambda aujourd’hui mais 20 ans en arrière, nous vendions des choses un peu curieuses que l’on ne voyait pas ailleurs. Mais je suis confiante pour la suite, car la génération de femmes qui arrive aux responsabilités a moins d’états d’âme, ose s’exprimer davantage. C’est déterminant pour la suite car, je le répète, entreprendre est un état d’esprit. NN : Un état d’esprit que vous avez toujours eu ? EPC : J’ai toujours eu le caractère pour entreprendre, d’ailleurs beaucoup de gens m’avaient prédit très jeune une carrière de chef d’entreprise. Mais pour autant l’envie de créer une entreprise ne remonte pas au début de ma carrière, pour moi c’était même un mot très vulgaire quand j’avais 18, 20 ans, en tout cas ce n’était pas un rêve. C’est venu comme une évidence après mon départ de Vivendi en 2000, où j’avais atteint le poste de directeur des ventes France de CGHS, la division Hôtellerie du groupe. Je me suis rendu compte qu’avec mon statut de femme, jeune et bien payée, ce ne serait pas facile pour moi de retrouver un job aux mêmes conditions. Au départ, c’est donc une décision pragmatique de ma part, même si dans les faits je me suis toujours comportée comme un entrepreneur, je faisais de la prose sans le savoir en quelque sorte. NN : Comment s’est passé le développement de ces centres au fil des ans ? EPC : Honnêtement je n’ai pas rencontré d’obstacle particulier, j’ai toujours eu la chance que tout se passe bien avec les banquiers, les médias ou les différents partenaires. Après, tout ne s’est pas fait sans efforts, il faut trouver son sillon et le creuser avec acharnement pour faire la différence. Dans le cas de Booster Academy, les techniques de vente sont les mêmes depuis toujours, je n’ai pas réinventé le commerce. En revanche ce que nous avons retravaillé, ce sont les méthodes d’apprentissage avec une pédagogie multicanal et une approche basée sur celle du sport de haut niveau. Un client chez nous s’entraîne, comme le fait un sportif, jusqu’à trouver le « geste » parfait. Aujourd’hui nous avons réussi à démocratiser la pratique de ces centres d’entraînement et les profils des clients qui rejoignent l’une de nos dix académies sont très variés : des entrepreneurs, des commerciaux bien sûr, mais aussi des avocats, des médecins et même quelques personnalités : hommes d’affaires ou politiques, qu’il m’arrive encore de coacher. Propos recueillis par David Rozec, drozec@nomination.fr