Depuis juillet 2015, Fabien Sauleman est chargé d’accompagner les grands comptes au sein d’AF 83, une société de conseil en transformation digitale spécialisée dans l’expérience utilisateur. Son défi, permettre aux grands groupes d’appréhender les opportunités d’un changement de modèle devenu inéluctable.
NN : Comment accompagner les grands groupes dans leur transformation numérique ? FS : Notre première mission est de démontrer que ce phénomène est une opportunité et non une menace comme ils peuvent parfois le ressentir. Leur faire voir les opportunités de développement : l’arrivée de nouveaux utilisateurs, l’amélioration de la fidélisation, du réengagement…Parfois il faut réaliser des changements au niveau de l’organisation, des méthodes de travail, là-dessus aussi nous sommes force de proposition. Beaucoup de sociétés sont déjà passées à la méthode agile depuis longtemps mais il y a parfois un travail d’adaptation à effectuer auprès des services informatiques traditionnels. Il s’agit pour ces grands groupes de s’inspirer du fonctionnement des start-up. A nous de leur démontrer qu’on peut, de façon très simple et très rapide, monter des projets par le biais de méthodes modernes. Nous pouvons également aller au delà de la simple mission de conseil et mener les développements jusqu’au bout si nécessaire. Nos projets peuvent s’étaler sur plusieurs semaines voir plusieurs mois. AF83 se veut un partenaire pérenne, parce que cette transformation se fait dans la durée. Les technologies se renouvellent, de nouveaux intervenants apparaissent. Par exemple, le passage du web au mobile a introduit des changements de stratégie à l’intérieur même du digital. Aujourd’hui les technologies mises en avant sont les objets connectés, le Big Data. Demain, ce sera la réalité augmentée qui commence déjà à donner des applications qui font sens. Le deep learning et l’intelligence artificielle vont suivre, avec de nouvelles capacités dans les interactions homme / machine. Ces technologies sont encore embryonnaires, mais elles vont très vite cesser d’être des sujets de recherche pour engendrer des applications concrètes et devenir des enjeux commerciaux. Il faut en apprécier la portée et les intégrer au bon moment pour en tirer le maximum. Voila pourquoi nous accompagnons les grands comptes sur le long terme et dans tous les compartiments de la transformation digitale. NN : Comment cette transformation est-elle ressentie au sein de ces sociétés ? FS : Ceux que nous accompagnons sont généralement enthousiastes et adhèrent à notre vision. Même si il y a évidemment certains réflexes protectionnistes face au changement. Mon sentiment est qu’il faut une conviction portée au plus haut niveau pour que ça fonctionne. Cela n’appartient pas au marketing ou à la com’, il faut une volonté sincère de la direction générale. Mais l’intérêt pour ces questions est réel au sein des comités exécutifs. Quand on voit un Airbnb valorisé autant que le groupe Accor en bourse sans posséder une chambre d’hôtel, forcément ils se rendent compte que quelque chose est en train de se passer. Notre rôle est de leur faire prendre la mesure des enjeux et des changements à réaliser. La transformation digitale ce n’est pas juste sortir une appli dans l’app store, c’est bien plus que ça. C’est un passage obligé, elle a lieu quoi qu’il arrive et aucune législation ou autre ne vous protège durablement. Il ne faut pas attendre, il y a des opportunités réelles et conséquentes pour qui a le courage de changer de modèle économique. Sans avoir peur que des nouveaux produits puissent cannibaliser les anciens. Il faut en passer par là, ne pas hésiter quand on s’appelle Apple à tuer l’ipod en lançant l’iphone. Pour moi, nous en sommes au tout début et le marché est énorme. Nous sommes 10 ans après l’invention de l’imprimerie par Gutenberg. Il faut canaliser tout ça, permettre aux entreprises de prendre la bonne direction. Il y a eu beaucoup d’initiatives, des applications, des sites communautaires développés pour les grands groupes, mais ce n’est pas forcément à la mesure de la transformation à mener. Il faut un changement radical, dans la conception des produits et la relation au client. C’est le cas quand nous aidons des sociétés comme Seb, Moulinex ou Rowenta à passer de l’objet industriel à l’objet connecté. NN : Qu’est ce qui fait la spécificité d’AF83 sur ce marché ? FS : Ce qui nous définit et nous différencie des autres agences, c’est l’attention extrême que nous portons à l’expérience utilisateur. Nous cherchons à interagir très tôt avec des clients potentiels et quand on finit un projet, que l’on livre le produit, l’utilisateur a déjà été consulté 3, 4, 5 fois. Le temps est révolu ou les entreprises travaillaient sur des cycles en v avec un cahier des charges, des développements, une recette et une livraison. Le tout sur un an sans jamais avoir consulté l’utilisateur final. Nous ne partons pas dans un tunnel de réflexion, nous franchissons les étapes une à une. Les cycles ce sont modifiés, devenant plus rapides, plus agiles. Avec le design thinking une nouvelle étape est franchie et le client potentiel se situe désormais en amont des développements. Grâce aux prototypes, il est consulté avant même que la première ligne de code n’ait été saisie. Nous mettons également l’accent sur la nécessité pour les entreprises de proposer une expérience utilisateur conforme aux valeurs qu’elles souhaitent véhiculer. C’est comme ça que s’organise la relation entre une marque et ses clients aujourd’hui. Il ne suffit plus de dire je suis respectueux de l’environnement, il faut le prouver par le biais de son expérience utilisateur. NN : Vous avez-vous-même vécu ce phénomène en tant qu’entrepreneur… FS : En effet, je sors d’une expérience dans l’entreprenariat ou j’étais au cœur de la transformation numérique d’un secteur ultra traditionnel qui est le livre. Avec Youboox, nous avons proposé plus qu’un simple changement de support en introduisant les notions de streaming sur abonnement et de rémunération proportionnelle à la consommation. C’est vraiment disruptif pour un secteur très conservateur et réglementé pour qui la rentabilité était l’alpha et l’oméga de sa distribution. A l’arrivée, nous avons démontré que ce nouveau modèle peut fonctionner en dépassant le million d’utilisateurs. Propos recueillis par David Rozec, drozec@nomination.fr