Jonathan Livescault est le cofondateur de Braineet, la plateforme qui permet aux consommateurs de partager leurs meilleures idées avec les marques. Au-delà du simple outil de communication, il nous présente un concept qui permet aux entreprises de travailler en méthode agile tout en entrant dans l’ère de l’open innovation.
NN : Comment est né Braineet ? JL : J’ai travaillé en tant que consultant en stratégie pour de grands groupes dans différents secteurs et j’ai pu constater leurs difficultés à créer une communauté de consommateurs, avec laquelle ils pouvaient avoir une relation positive et bienveillante. De l’autre côté, j’avais parmi mes proches des exemples de consommateurs ayant d’excellentes idées à partager avec les marques, mais pas d’espace pour le faire. L’élément déclencheur a été ma rupture des ligaments croisés en jouant au football. Cela m’a valut 6 semaines d’arrêt et m’a permis de poser sur papier l’histoire de Braineet. J’en ai parlé à quelques amis, dont mon associé Alban Margain, qui m’a très vite rejoint dans l’aventure. NN : Comment cela fonctionne-t-il ? JL : Les gens partagent des idées en une phrase de 140 caractères maximum, en commençant par la locution « Et si ». Cela rend la lecture agréable, il y a de l’humilité dans la démarche et le lecteur peut se projeter. Ensuite la communauté vote pour ou contre les idées et les commente afin de les enrichir. La marque concernée répond et attribue un statut aux idées en fonction de leur degré d’avancement: à l’étude, en réalisation, réalisé ou non réalisable. Pour cela, nous avons un site internet, Braineet.com, des applications sur IOS et Android, et bientôt sur Windows. Nous nous intégrons également directement sur le site des marques. Nous venons, par exemple, de signer un accord avec la SNCF qui va encapsuler Braineet directement sur le site sncf.com. NN : Quel est votre business model ? JL : Nous avons packagé tous nos services dans une seule offre. Nos clients payent quelques milliers d’euros par mois, avec un engagement d’1 ou 2 ans, pour évaluer et suivre toutes les idées qui les concernent. Ils peuvent lancer des challenges d’idées, pour orienter et faire brainstormer les gens sur des sujets précis. Nous leur fournissons également des rapports analytiques, segmentés en fonction des critères que nous donnent les utilisateurs quand ils rejoignent Braineet. Nous utilisons également de la sémantique pour faire ressortir les grandes tendances parmi les idées partagées. A côté de ça, nous venons de lancer notre offre « plateforme privée », qui permet de faire la même chose entre collaborateurs d’une entreprise. De grands groupes comme EDF s’en servent pour lancer des challenges en interne et recueillir des idées au sein de leurs équipes à tout moment. NN : Qui sont vos utilisateurs et que retirent-ils de l’utilisation de Braineet ? JL : Cela contribue à améliorer leur quotidien de consommateur. Ils peuvent faire remonter une idée qu’ils aimeraient voir mise en place parce qu’ils sont utilisateurs du service et par la même occasion se rendre compte que de nombreuses autres personnes pensent comme eux et soutiennent leur proposition. Il y a également des lots à gagner sur les challenges d’idées : des smartphones, des tablettes… Nous avons 20 000 membres pour l’instant, mais notre installation prochaine sur les sites des marques devrait nous permettre d’accroître cette audience. De ce que nous savons, 75% de nos utilisateurs sont en France. Sur ce chiffre, la moitié vient de région parisienne. La plupart des gens qui viennent sur notre site ont entre 20 et 40 ans, mais notre impact sur les plus de 40 ans n’est pas négligeable, ce segment appréciant particulièrement le fait d’obtenir une réponse concrète de la part des marques. Pour les entreprises, l’objectif est de faire venir au maximum leurs clients. De grands noms comme la SNCF ou Auchan, communiquent sur Braineet, car cela envoie un message très positif à leurs utilisateurs : « nous vous écoutons et nous allons innover avec vous pour améliorer votre expérience. » NN : Pour les entreprises, quelle est la valeur ajoutée de Braineet par rapport aux réseaux sociaux ? JL : Le côté positif des contributions est une de nos grandes forces. Les marques trouvent cela rafraichissant. Twitter est devenu un espace de SAV, sur Facebook il y a beaucoup de plaintes et pas mal de modération à faire. Chez nous, il y a très peu de bruit. Les utilisateurs se sont éduqués au fil du temps et sont dans une démarche constructive. Pour les marques, c’est également un moyen de construire une relation avec une communauté de consommateurs dans la durée. Les start-up, qui peuvent utiliser nos services gratuitement, gagnent en visibilité en se retrouvant mélangées à des grands groupes. C’est également un moyen d’avoir des feedbacks très rapides sur leurs idées, ce qui est toujours utile quand on démarre. Les utilisateurs ont pris l’habitude de regarder la liste des challenges et même quand ils sont lancés par des entreprises moins connues, il est très rare qu’ils recueillent moins de 50 idées par semaine. C’est l’un des avantages du multimarques et du fonctionnement par association d’idées, des gens qui ne souhaitaient pas s’adresser à une marque au départ peuvent se retrouver à jouer le jeu et à participer aux challenges. NN : Vous avez récemment levé 1 million d’euros, quelle est la destination des fonds ? JL : Cela nous permet de passer du stade de start-up artisanale, qui dépense très peu, à celui d’entreprise structurée, qui investit et se développe. Nous avons pu embaucher nos anciens stagiaires techniques, des externes, mais également des business developers, pour aller voir de nouveaux prospects et surtout accompagner nos clients, qui sont de plus en plus nombreux. Nous allons aussi investir pour tester les marchés étrangers, notamment aux Etats-Unis. Propos recueillis par David Rozec, drozec@nomination.fr