Peu de secteurs ont été aussi impactés par le développement d’Internet, du Cloud et des réseaux sociaux que celui des logiciels. Voilà pourquoi l’avis de Michel Mariet, très impliqué dans les problématiques du marketing à l’ère du digital, est particulièrement éclairant.
Chez Oracle, Michel Mariet est Directeur marketing Alliances & Channels pour la zone Europe, Afrique et Moyen-Orient où il est également en charge de la transformation digitale. Depuis 2015, il est aussi président du CMIT(*). QUESTION STRATÉGIE : Quel est l’enjeu majeur de la Direction marketing d’Oracle en ce moment ? Être dans le business et pas à côté ! Il s’agit clairement de revoir notre proposition de valeur. Trois facteurs ont contribué à bouleverser la donne : • La généralisation du Cloud. Nous vendons désormais un service évolutif alors qu’auparavant nous sortions des nouvelles versions autour desquelles s’organisait le marketing et qui nous donnaient l’occasion de dialoguer régulièrement avec nos clients, généralement le DSI. • Le marketing relationnel digital. L’email marketing, les big data, les réseaux sociaux… ont donné naissance à de nouveaux comportements et de nouveaux outils. Il nous faut de nouvelles compétences et nous remettre en question. • Le comportement de l’acheteur. Avec Internet, le client a changé sa façon d’acheter, même dans le BtoB. Il s’éduque tout seul, lit le feedback de ses pairs en ligne, compare les prix au niveau planétaire… QUESTION ORGANISATION : Face à l’évolution de la Direction marketing, avez-vous revu votre organisation interne, et si oui comment ? Les impacts sont nombreux : nouveaux métiers, nouveaux outils, nouvelles pratiques (listening, account based marketing, customer advocacy…), nouvelles compétences, et le marketing digital permet de globaliser et délocaliser des missions assurées localement. C’est une préoccupation de trouver de nouveaux profils capables de gérer une relation par réseau social interposé, de définir un persona, de concevoir un scénario marketing automation, de gérer une communauté, de maîtriser vidéo et infographie… « Nous devons revoir la proposition de valeur du marketing et son positionnement sinon d’autres vont s’en charger et ce ne sera pas à notre avantage. Il nous faut intégrer de nouvelles compétences, capter les signaux marché/client/compétition et les interpréter en signaux d’affaire pour piloter le revenu. ». A ce titre, le CMIT permet d’assurer une veille (start-up…), d’échanger sur nos pratiques, de réfléchir en think tank pour innover dans nos organisations. QUESTIONS MÉTIER : On dit qu’aujourd’hui la data est la clé en marketing. Qu’en pensez-vous ? Comment cela se traduit chez Oracle ? Oui, c’est la clé ! Ça l’est d’autant plus au sein des équipes marketing qui sont responsables de l’expérience client et à qui il incombe précisément de récupérer et d’analyser toutes les données relatives à cette expérience. Il nous faut être capable d’écouter les réseaux sociaux, d’analyser les visites sur notre site, les taux de clics de nos emailing, etc. Là encore il faut des compétences nouvelles et très pointues. Le content marketing est également considéré comme incontournable. Qu’en pensez-vous ? Comment cela se traduit chez Oracle ? En effet. Les fiches produits sont remplacées par des formats plus multimédia (vidéo, infographie) traitant des problématiques clients. Nous avons également refondu notre portail, travaillé notre SEO, revu notre façon de « pousser » l’information au client… Nous voulons que nos prospects viennent chercher du contenu et s’éduquer chez nous. QUESTION PROSPECTION : On peut imaginer qu’en travaillant pour une marque aussi connue qu’Oracle, vos produits se vendent facilement. Quels sont vos enjeux en matière de prospection ? Il ne faut pas croire ça ; aujourd’hui la force de la marque n’est plus suffisante pour être dans la short-list, c’est celui qui réussit à éduquer le client qui remporte la mise. Et en mode Cloud la base installée est plus volatile donc on doit soigner le client au jour le jour. A contrario le Cloud nous permet aussi de répondre aux besoins de marchés où nous n’étions pas forcément présents auparavant. QUESTION AVENIR : Comment voyez-vous l’avenir du service marketing Oracle d’ici 5 ans ? On ne pense plus à 5 ans ! Même dans 18 mois on a du mal à se projeter… Ce que je sais, en revanche, c’est que le marketing va devoir être plus proche des ventes tout en prenant en main la définition de sa valeur et de missions spécifiques ; et qu’il faut être encore plus dans l’anticipation pour porter l’innovation. (*) Le CMIT est le club des Directeurs marketing & communication de l’IT