Pascal Fite vient de prendre la tête de l’accélérateur de start-up Microsoft Ventures pour la France. Il nous explique son fonctionnement, ses ambitions et son impact sur l’écosystème start-up français.
NN : Comment Microsoft Ventures aide-t-il ses start-up ?
PF : Microsoft Ventures est le dernier étage de la fusée de notre programme start-up. L’outil direct de Microsoft pour travailler avec l’écosystème start-up. Nous avons pour vocation d’aider ces jeunes entreprises sur la partie commercialisation, ce que nous appelons le Go to market, en les mettant en relation avec les clients et les partenaires Microsoft. Nous leur fournissons les technologies nécessaires à leur développement, avec un accès aux outils Microsoft comme le Cloud Azure, sur lequel nous proposons un crédit de 500 000 dollars. A partir du moment où elles n’ont pas à financer leur IT, elles peuvent consacrer des moyens supplémentaires au marketing ou à la partie commerciale.
Nous avons également la possibilité de les accompagner dans leur développement international grâce à notre réseau d’accélérateurs à l’étranger présent dans sept pays : France, Angleterre, Allemagne pour l’Europe, Israël, L’Inde et la Chine pour l’Asie et Seattle aux Etats-Unis depuis un an. Ils ont ainsi des bureaux à disposition partout dans le monde et ils peuvent évidemment visiter nos accélérateurs sur place.
NN : Quel est votre rôle en tant que directeur de l’accélérateur ?
PF : Je suis à l’interface de Microsoft et des start-up. Je m’assure que la connexion avec les équipes commerciales de Microsoft se passe bien. Je dois trouver les bons contacts côté start-up et les mettre en relation avec les clients Microsoft qui cherchent de nouvelles solutions et souhaitent travailler en synergie avec des sociétés innovantes. Au niveau management, je gère l’ensemble de l’équipe start-up.
NN : Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce poste ?
PF : Ce qui me plait, c’est de pouvoir m’investir dans les projets au sein d’un écosystème qui me passionne depuis toujours. J’ai un passé d’investisseur en capital, mais il me manquait la partie opérationnelle, l’accompagnement direct des entreprises. J’ai fait ça pendant un an en tant qu’indépendant et au détour d’une mission j’ai eu Microsoft comme client. Cela s’est très bien passé et Nicolas Gaume, qui est le directeur de la division Developer eXperience, m’a convaincu de lâcher mon activité de conseil pour les rejoindre.
Il y a ce travail fascinant de pouvoir faire travailler une multinationale avec l’écosystème start-up. C’est un lien qui est très compliqué à établir. Il faut une polarisation sur le sujet en interne pour que les choses soient rendues possibles. Heureusement, c’est plus facile pour Microsoft de parler aux start-up que pour d’autres grands groupes. La passerelle se fait par le biais technologique et le lien n’est pas nouveau, Microsoft travaille depuis longtemps avec de jeunes sociétés. Par exemple, notre programme d’accompagnement de masse BizSpark, existe depuis plus de 10 ans.
NN : Quel type d’entreprises peut-on trouver au sein de cet accélérateur ?
PF : Nous sommes généralistes, ce qui nous intéresse c’est de pouvoir aider les start-up qui ont une plateforme technologique. Le service peut être dans n’importe quel domaine pourvu que derrière, il existe une plateforme technologique sur laquelle nous allons pouvoir créer de la valeur. Evidemment nous n’allons pas nous investir dans des sociétés qui font de l’artisanat ou du conseil car notre valeur ajoutée sur l’activité sera très limitée. Ce sont sur les aspects business et technologie que nous voulons apporter une plus-value.
Neuf entreprises sur dix chez nous sont des entreprises BtoB car nous sommes plus à l’aise pour les accompagner. Ce n’est donc pas le secteur mais la typologie des start-up qui motive nos choix. Bien sûr, nous mesurons également le potentiel « d’explosivité » de la start-up, nous avons des critères qui, de ce point de vue-là se rapproche des fonds d’investissement. Sauf que nous n’investissons pas d’argent, nous ne perturbons pas la structure capitalistique de la start-up. Par ailleurs, notre programme est gratuit et nous ne prenons pas d’equity.
NN : Comment s’opère la sélection des start-up ?
PF : Il y a deux processus de sélection. Un appel à candidatures directes, par lequel nous recevons, entre 350 et 400 demandes de tout type et en parallèle, des prescriptions qui nous viennent de notre réseau de dix accélérateurs partenaires comme le Numa.
Je suis également en charge des partenariats avec les fonds de capital-investissement qui peuvent eux aussi pousser des start-up dans lesquelles ils ont investi afin que nous les aidions à grandir plus vite.
NN : Quel est l’intérêt pour Microsoft d’avoir un tel outil ?
PF : Nous avons envie d’être acteur des futurs grands succès de la technologie mondiale. A plus long terme, l’objectif est que ces start-up, devenues des ETI, continuent à utiliser des technologies Microsoft.
Il y a également le retour technologique pour nos équipes de développement sur le principe de l’open innovation. Nous n’avons pas vocation à racheter les start-up que nous accompagnons, mais nous avons la capacité à faire des retours même en cas de non adoption de nos technologies, ça nous permet de remonter à nos équipes ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, c’est extrêmement enrichissant pour nous.
Enfin d’un point de vue interne, ça nous permet de focaliser nos équipes sur l’extérieur et le monde de la start-up, de rester dynamique avec un mode de travail collaboratif.
NN : Quels sont les points forts et les points faibles de l’écosystème start-up français ?
PF : Clairement nous avons ce tropisme de l’internet des objets et du big data. La France est un pays d’ingénieurs, nous avons beaucoup de data scientists, des gens extrêmement brillants qui produisent des solutions très aboutis. J’ai un regard moins aiguisé sur les biotechnologies, qui est un domaine que nous ne couvrons pas, mais il est assez évident que la France est performante là aussi. Nous commençons à recevoir pas mal de dossiers qui sont des spin off de laboratoires, avec une très forte valeur technologique, ce qui est un phénomène typiquement français.
Le revers de la médaille c’est que les start-up françaises sont axées sur la technologie et beaucoup moins sur le marketing ou les besoins du marché. C’est sur ces sujets que nous sommes particulièrement utile, en les aidant à se concentrer davantage sur le client et moins sur les fonctionnalités d’un produit, par ailleurs très abouti. Les Français perdent beaucoup de temps à développer des produits trop parfaits ou trop fonctionnels mais ne répondant pas assez aux besoins du marché.
Nous avons aussi ce phénomène de dispersion où l’entreprise débutante va chercher absolument à signer des clients et pour cela enrichir le produit avec de nouvelles fonctionnalités, ce qui fait qu’au bout de quelques temps le produit devient invendable parce qu’il ne s’adresse plus au plus grand nombre. Il faut s’inspirer des Américains et aller d’abord conquérir son segment de marché quitte à rajouter des fonctionnalités plus tard pour se lancer sur d’autres segments.
NN : Comment envisagez-vous l’évolution de Microsoft Ventures ?
PF : Il faut que nous soyons très à l’écoute des besoins des start-up et de l’évolution du groupe. Ce que nous voulons faire à court terme c’est d’abord développer les synergies internationales, ouvrir une fenêtre sur le monde.
Le deuxième objectif est d’industrialiser la mise en relation avec les partenaires et les clients Microsoft. C’est l’objectif numéro un des start-up, avant même les levées de fonds : trouver des clients pour crédibiliser leur offre et leur permettre d’avancer. La logique est de commencer par le business pour générer une traction, qui permettra ensuite de lever des fonds plus facilement.
Propos recueillis par David Rozec, drozec@nomination.fr