Au moment où le prix Deloitte Fast 50 vient d’être remis, retour sur la trajectoire du vainqueur 2014, le spécialiste de la billetterie en ligne, Weezevent. Son fondateur, Pierre-Henri Deballon, nous explique comment sa société gère une croissance foudroyante et effectue sa mue de start-up en leader de marché.
NN : Pouvez-vous nous présenter Weezevent, son histoire, sa trajectoire ? :
La création de la société remonte à 2008. Nous sommes d’anciens organisateurs d’évènements et nous ne trouvions pas de solutions adaptées pour vendre nos billets sur internet. Nous rencontrions pas mal de contraintes techniques, des problèmes de coûts avec des frais prélevés trop importants. Autres problèmes majeurs, la base de données n’appartenait pas à l’organisateur mais au distributeur et il était impossible de vendre directement sur le site de l’évènement. Pour toutes ces raisons et après avoir observé que beaucoup d’autres organisateurs faisaient le même constat, nous avons bricolé une solution pour notre usage propre. Petit à petit d’autres sociétés d’événementiel ont souhaité l’utiliser et investir avec nous dans la conception d’un logiciel. Etant de la génération du partage internet, nous avons choisi un logiciel en ligne, non pas sur un modèle de licence mais un modèle en SAAS, avec un revenu qui s’effectue uniquement par le biais d’une commission sur les billets vendus. Après c’est une question de timing, nous sommes arrivés sur un marché déséquilibré avec un produit qui permettait de rééquilibrer les rôles de chacun. Nous avions une offre différente des acteurs historiques comme la FNAC ou Digitick qui apportent de l’audience aux organisateurs d’évènements quand nous leur proposons un outil. Nous avons également été portés par des phénomènes externes comme la croissance du e-commerce et la tendance à l’autodistribution.
NN : L’année dernière vous remportiez le prix Technology Deloitte Fast 50 avec une croissance de 43 202% sur 5 ans. Comment se gère un développement aussi rapide ? PHD : Ce sont des problèmes de riches mais ils ne sont pas pour autant simples à régler. Votre structure passe des caps tous les 3 à 6 mois à peu près. Nous étions une vingtaine en début d’année, et nous sommes aujourd’hui 60 : vous avez donc un premier niveau de management à mettre en place puis un second. Il faut faire évoluer les profils des collaborateurs, plus internationaux, plus qualifiés. En termes de recrutement, nous sommes passés en très peu de temps du stagiaire qu’il faut former à des gens d’expérience qui viennent nous apprendre leur métier. C’est très important pour nous d’avoir ces nouveaux profils, ça nous permet de ne pas avoir à réinventer la roue à chaque fois sur des domaines ou ne sommes pas des spécialistes. Ils apportent également un degré de maturité différent. Nous avons des équipes très jeunes dans l’ensemble et pour beaucoup il s’agit de leur premier boulot. Le fait de commencer par une start-up avec cette image d’Epinal, de l’entreprise où tout est cool, les rend parfois déconnectés de la réalité du monde du travail. Avoir des personnes qui ont expérimenté des sociétés un peu plus classiques dans le fonctionnement, un peu plus rigoureuses, permet de franchir un palier.
NN : Quels sont les pièges à éviter dans cette transformation ? PHD : Le problème quand une société comme la nôtre grossit c’est qu’on peut vite s’éloigner du terrain, être plus sur les chiffres que sur l’opérationnel ce qui peut rapidement se ressentir sur le business. Car notre succès est aussi une question de service. On a l’impression que ce n’est qu’un outil en ligne, mais les relations humaines ont une part très importante dans l’événementiel. Je me rappelle un soir de nouvel an avoir quitté une soirée pour aller livrer du matériel de contrôle d’accès à un organisateur qui rencontrait un problème. Le lancement d’un évènement est un moment de stress pour eux, c’est l’aboutissement d’un long travail et notre présence en soutien fait la différence sur le court terme mais aussi dans la création d’une relation à long terme. La confiance est fondamentale, car nous gérons tous les fichiers d’entrées des organisateurs. C’est pourquoi quand vous vous lancez à l’international, par exemple, il est essentiel d’avoir des équipes sur place, de trouver les bonnes personnes qui connaissent à la fois l’événementiel et la technologie.
NN : Comment une société comme Weezevent continue-t-elle à grandir ? PHD : En se développant à l’international justement. Nous sommes présents au Canada et en Espagne et nous ne comptons pas nous arrêter là. Nous avons également pas mal de projets sur la table pour élargir notre marché en France. Nous travaillons sur l’événementiel sans placement, qui représente la moitié des manifestations. C’est donc un relai de croissance très important qui nous permettrait de doubler la taille de notre marché en France. Il y a aussi des choses à faire sur les évènements gratuits où il y a paradoxalement plus d’argent puisqu’ils sont majoritairement mis en place par des sociétés avec plus de moyens que celles qui font des évènements payants. Il y a également l’envoi d’invitations qui fait déjà partie de nos services mais sur lequel nous ne sommes pas des spécialistes et où l’on pourrait demain lancer des produits dédiés. Enfin, nous avons racheté une société qui fait du cashless et nous allons équiper des festivals avec une technologie permettant à tous les festivaliers de consommer sans espèce ou carte bancaire, juste avec une puce sur leur bracelet d’entrée qu’ils rechargent via leur Smartphone. Nous cherchons à être présents sur tout type d’événements, dans cet esprit de service BtoB, en essayant toujours de placer l’organisateur dans les meilleures dispositions possibles.
Propos recueillis par David Rozec, drozec@nomination.fr