L’univers du droit est plus concurrentiel que jamais avec des avocats en nombre et des cabinets de niche en constante augmentation. Le marché tend également à se massifier. Ainsi, il est de moins en moins rare qu’avocats, juristes, commissaires aux comptes, experts-comptables et notaires jouent des coudes sur des périmètres similaires. De plus, la relation avec les clients a changé. Hier encore, la politique tarifaire était fixée par l’avocat, aujourd’hui c’est le client qui impose rythme et exigences. La technologie a redistribué les cartes. Elle s’incarne dans la legaltech : « Un client pour lequel nous réalisions du recouvrement nous a quittés parce qu’il a opté pour un outil d’huissier plus performant », résume sans amertume Jean-Charles Simon de Simon Associés.
« En Australie, un avocat est une Legaltech »
Les cabinets d’avocats font leur mue à l’instar du domaine du conseil. Bien que la France soit la seconde place forte en matière de legaltech derrière les Etats-Unis, l’adoption s’effectue doucement dans l’hexagone : « On a 20 ans de retard par rapport à l’Angleterre. Et en Australie, un avocat est une legaltech à lui seul ! », affirme Océane Phan-Tan-Luu, avocate chez Alphalex. Puisque les clients cherchent des gains de temps, les cabinets d’avocats s’équipent afin d’automatiser des tâches répétitives. C’est concrètement le cas dans le domaine de la rédaction de contrats ou de clauses. Cette forme de robotisation devrait épargner les activités de niche. En effet, la technologie permet aux avocats de se concentrer sur des actes où ils pourront apporter une véritable plus-value. Par ailleurs, les nouveaux outils favorisent la fidélisation grâce à une meilleure circulation de l’information et d’avantage de réactivité auprès de clients hyper connectés.
« L’avocat doit réfléchir comme un entrepreneur »
La mise en œuvre de la transformation digitale est considérée comme un amplificateur de performance et un facilitateur de gestion. Elle accompagne les stratégies business des cabinets d’avocats pour qui le terme de « vente » n’est plus un vilain mot. « La profession évolue. L’avocat doit réfléchir comme un entrepreneur : marché, besoins et retour sur investissement », plaide Jean-Charles Simon. Selon une étude réalisée par Nomination dont le métier consiste à faciliter la détection d’opportunités commerciales, les cabinets privilégient la conquête de nouveaux clients plutôt que la défense de leurs portefeuilles. Un effort de structuration du développement commercial qui se matérialise, par exemple, avec le déploiement d’un CRM. Or, la réussite d’un tel projet dépend de la qualité des données sur les clients et prospects ainsi que de la capacité des associés à mutualiser leurs carnets d’adresses.
« L’opportunité de se différencier »
L’eldorado est perçu par certains comme un mirage. Ces détracteurs craignent son coût. C’est un investissement comme un autre à condition que les collaborateurs s’approprient le(s) outil(s). A court terme, les solutions donnent la possibilité aux associés de démultiplier leur valeur ajoutée. A long terme, les cabinets auront une longueur d’avance sur la concurrence : « En acquérant une compétence aujourd’hui mal maîtrisée par des confrères, les avocats ont l’opportunité de se différencier », explique Alexandre Yeremian, CEO et cofondateur de Jarvis Legal. Loin de menacer la profession, la transformation digitale irait donc dans le sens de l’histoire : « Il n’y a pas d’autre voie », tranche Jean-Charles Simon. Cependant, il ne faudrait pas que les cabinets tombent dans l’excès inverse en empilant les logiciels. Certes, la legaltech regorge d’outils. Les cabinets n’auront que l’embarras du choix. Aux avocats de juger. Pour une fois.
Chiffres extraits du livre blanc « Le CRM comme levier de développement des cabinets d’avocats ».