Véronique Fayet, présidente du Secours Catholique, nous explique comment la crise sanitaire à eu un impact sur l’activité des équipes et quels sont aujourd’hui les principaux défis auxquels fait face l’association.
Comment se portent vos équipes et votre activité en ces temps de crise ?
Dès le début de la crise, le Secours Catholique a fait le choix de la responsabilité et suspendu toutes ses activités. Cette décision a bien entendu été douloureuse pour des équipes habituées à accompagner des personnes en situation de précarité au quotidien. Mais il nous paraissait crucial de mettre en place les dispositifs de sécurité sanitaires suffisants pour que nos salariés, nos bénévoles comme les personnes accueillies ne courent aucun risque. Aujourd’hui, nos activités ont repris, avec des modalités différentes bien sûr, mais en toute sécurité.
A l’heure actuelle, quels sont les principaux défis auxquels vous faites face ?
Nos équipes ont dû réinventer en un temps record leurs modes de fonctionnement et adapter aux nouveaux besoins et à la nouvelle donne sanitaire les services proposés. Des chaines Whatsapp pour lutter contre l’isolement à la délivrance de tickets services pour que chacun puisse aller faire ses courses dans les commerces ouverts, de nouvelles formes de partage, d’entraide et de fraternité ont été mises en œuvre.
En effet, les plus âgés de nos bénévoles doivent impérativement rester chez eux, et le télétravail ne permet pas de rendre tous nos services habituels de de soutien aux plus précaires. Nos équipes ont fait preuve de beaucoup de réactivité et d’inventivité en s’appuyant sur les moyens numériques : soutien scolaire à distance, apprentissage du français langue étrangère via skype, les bonnes initiatives pour faire vivre la solidarité ne manquent pas ! D’où notre slogan « chacun chez soi oui, chacun pour soi non ! »
Avez-vous ajusté vos actions durant cette période particulière ?
A la crise sanitaire actuelle s’ajoute une grave crise sociale. Pour les personnes en situation précaire, l’impact de la pandémie est majeur : nombre de réseaux d’aide et d’accompagnement ont été fermés, l’accès aux épiceries solidaires et aux distributions alimentaires fortement réduit et en plus les familles font face au défi de dépenses augmentées (alimentation des enfants, électricité, chauffage) et de revenus souvent en baisse du fait de la disparition des petits boulots ou du chômage partiel.
Le Secours catholique a dû s’adapter rapidement à cette nouvelle donne. La première urgence traitée par le Secours Catholique a été de leur fournir un accès à une alimentation digne et aux moyens de couvrir leurs besoins de première nécessité.
Pour cela, le Secours Catholique a acheté pour plus de 3 M€ de Chèques Services, acceptés dans de nombreux magasins. Nous avons contacté les grandes enseignes nationales pour nous assurer que les chèques service seraient bien acceptés. Nous distribuons ces Chèques Services via nos délégations départementales sur l’ensemble du territoire métropolitain et en outre-mer.
D’autres actions sont menées autour de l’accès au numérique essentiel en période de confinement ; nous distribuons du matériel informatique, avec Emmaus connect, aux enfants et aux jeunes qui ne sont pas équipés et les aidons à avoir accès à Internet; mais ce sont aussi des téléphones portables afin que chacun puisse avoir un moyen de communiquer avec les siens et avec l’extérieur en cette période de confinement.
Anticipez-vous déjà l’après confinement ?
Oui, c’est une question majeure. Faire face à l’urgence mais aussi penser au « monde d’après ». Notre réflexion porte sur deux aspects ; l’un pratique : quels modes de fonctionnement pour nos équipes, nos accueils collectifs lorsque viendra le déconfinement mais que les déplacements seront encore réduits et des distances sanitaires nécessaires ? Quels services essentiels fournir et quelle coordination des actions avec nos partenaires associatifs ? Car la période de transition s’annonce longue, délicate et nous savons d’ores et déjà que les pauvretés vont se multiplier au vue de la crise économique qui se profile.
Le second volet est évidemment en termes d’organisation de la société. Nous voyons bien qu’il faut faire de cette crise une opportunité pour repenser notre modèle. Nous pensons qu’il est temps de mener des politiques bien plus juste socialement et économe des ressources de la planète. Inégalités dans l’accès au savoir, au numérique, à la culture, à la santé, difficulté à se loger, à se nourrir, les défis pour rendre notre société plus juste et plus fraternelle sont immenses. Mais à notre niveau, grâce à l’engagement de tous les acteurs de notre association, nous comptons bien participer à la création du monde d’après et à faire advenir ce que nous appelons la Révolution Fraternelle.